2008/12/04

L'échange de parcelles

On veut se croire indépendant, sentir qu'on est maître de notre vie et que personne ne peut réfuter cet état de fait.

Malgré tous les efforts, malgré toute la bonne volonté, c'est impossible.

On vit en société. Elle exerce son influence, tout le temps. Elle agit par les gens qui nous tiennent à coeur, par les inconnus qui croisent notre route l'instant d'un soupir.

Penser que nous sommes des êtres entièrement libres, c'est se mentir. Sinon, pourquoi être déçue d'une promesse non tenue? Pourquoi nourrir des attentes qui ne peuvent se réaliser par notre seul bon vouloir? Pourquoi aimer?

Certains prétendent se laver les mains du regard des autres. D'autres disent n'avoir de compte à rendre à personne. Peut-être ont-ils raison... peut-être parce qu'ils sont seuls ou encore parce qu'ils évacuent ainsi leur grande tristesse d'avoir un jour été blessés.

La journée où une trahison, un manque de respect, un mensonge ou, pire, l'indifférence ne nous atteint plus, c'est que nous sommes morts. Pas libre, mort. Vivre, c'est abandonner des parcelles de sa vie dans les mains des autres. Je dis bien parcelle, parce que le gros bout nous appartiendra toujours. En fait, il nous appartiendra tant que nous nous battrons pour notre indépendance, pour notre "soi" si personnel.

Laisser une parcelle aller signifie aussi lâcher prise, renoncer au contrôle de l'autre. Accepter cet échange (car les autres aussi nous confient des fragments de leur propre vie), c'est s'ouvrir à la surprise, à la découverte. C'est également risquer les blessures. Quelqu'un a dit un jour que les bateaux ne risquaient rien tant qu'ils étaient accostés, mais que, dans le fond, s'ils ne prenaient jamais le large, ils ne servaient à rien.

Se blottir dans une indépendance totale, c'est rester au port. Vivre, c'est affronter les vagues que les autres navires et le vent provoquent.

L'important, c'est de bien choisir la parcelle qui ira sur la mer...